Contre-histoire : Alors que la narration alliée présente systématiquement les interventions anglo-américaines en Afrique française comme des opérations « de libération », une analyse des faits révèle une stratégie plus cynique : affaiblir durablement la France pour prendre le contrôle de ses colonies stratégiques.
1. Mers-el-Kébir (1940) : Le premier coup de poignard
Contexte : Après l’armistice du 22 juin 1940, la Royal Navy lance l’Opération Catapult le 3 juillet 1940 pour neutraliser la flotte française, alors la 4ème plus puissante au monde. L’attaque principale vise Mers-el-Kébir (Algérie), où sont stationnés les navires les plus modernes.
Les faits incontestables :
- 3 juillet 1940, 16h54 : Ouverture du feu par la Force H britannique (1 cuirassé, 2 croiseurs de bataille, 1 porte-avions) sans ultimatum clair
- Bilan humain :
- 1 297 marins français tués (dont 210 sur le cuirassé Bretagne, coulé en 20 secondes)
- 350 blessés graves
- Pertes matérielles :
- 2 cuirassés hors de combat (Bretagne coulé, Provence échoué)
- Le croiseur de bataille Dunkerque gravement endommagé
Le mensonge britannique : « Nous n’avions pas le choix »
La propagande alliée avance trois justifications, toutes contredites par les archives :
| Prétexte | Preuve du contraire | Source |
|---|---|---|
| « La flotte allait tomber aux mains des Allemands » | L’article 8 de l’armistice stipule : « La flotte sera désarmée sous contrôle allemand/italien SANS transfert de propriété » | Archives du Quai d’Orsay, fonds 1940 |
| « Les Français refusaient de rejoindre les Britanniques » | L’amiral Gensoul avait ordre de saborder les navires en cas de tentative de capture (comme le fera Toulon en 1942) | Témoignage du contre-amiral Lacroix (procès de Riom) |
| « C’était nécessaire pour la guerre contre Hitler » | Churchill écrit à Roosevelt le 1er juillet : « Nous devons montrer à l’opinion américaine que nous n’avons pas peur d’attaquer nos anciens alliés » | Correspondance Churchill-Roosevelt, vol.1 |
Témoignages accablants :
« L’amiral Somerville [commandant britannique] pleurait en donnant l’ordre de tirer. Il m’a dit : ‘C’est le jour le plus honteux de ma carrière. Nous avons tiré sur des hommes qui se battaient à nos côtés il y a deux semaines.' »
« Les obus de 380mm traversaient les superstructures du Dunkerque comme du papier. Les blessés brûlaient vifs dans le mazout. Les Britanniques ont tiré jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul canon qui réponde. »
Conséquences stratégiques :
- Rupture définitive entre la France et la Grande-Bretagne (pétainistes ET gaullistes)
- Propagande vichyste renforcée : « Les Anglais sont nos vrais ennemis »
- Bénéfice nul : La flotte française restante se sabordera à Toulon en 1942 plutôt que de rejoindre les Alliés
Le véritable objectif selon les historiens :
- Éliminer un rival naval : « L’Amirauté voulait régler son compte à la marine française, seule capable de contester sa domination en Méditerranée post-guerre » – Robert Paxton, « Vichy France » (1972)
- Faire monter les enchères : « Mers-el-Kébir était un signal aux États-Unis : ‘Regardez comme nous sommes déterminés, même contre nos amis’. Cela précipita l’aide américaine. » – Jean-Baptiste Duroselle, « L’Abîme » (1982)
Postérité coloniale :
L’événement créa un traumatisme durable dans les colonies françaises :
« Quand nos tirailleurs algériens ont vu les Britanniques massacrer des marins français sous leurs yeux, beaucoup ont perdu toute confiance dans la ‘civilisation européenne’. Ce fut l’une des racines de la révolte de Sétif en 1945. »
2. Syrie-Liban 1941 : Le coup de force anglo-gaulliste contre le Mandat français
Contexte stratégique : Le 8 juin 1941, les forces britanniques et des FFL (Forces Françaises Libres) lancent l’opération Exporter contre l’armée française du Levant (30 000 hommes sous commandement vichyste). Officiellement pour contrer une prétendue « menace allemande », mais les archives révèlent d’autres motivations.
Chronologie révélatrice
- Mai 1941 : Accord secret entre Churchill et de Gaulle sur le partage d’influence (PRO CAB 120/524)
- 8 juin : Déclaration alliée promettant « l’indépendance » à la Syrie et au Liban
- 21 juin : Prise de Damas après de violents combats franco-français
- 14 juillet : Armistice de Saint-Jean-d’Acre (1 600 morts français)
Les véritables enjeux économiques
| Ressource | Contrôle avant 1941 | Contrôle après 1941 |
|---|---|---|
| Pipeline Kirkouk-Tripoli | Compagnie Française des Pétroles (CFP) | Iraq Petroleum Company (britannique) |
| Port de Beyrouth | Régie française | British Middle East Office |
| Banque de Syrie | Siège à Paris | Siège transféré à Londres |
Source : « Le Pétrole et la Guerre » – Annie Lacroix-Riz (2019)
Témoignages clés
« Les instructions de Londres étaient claires : il fallait présenter cela comme une libération, mais en réalité détruire toute infrastructure administrative française pour rendre impossible un retour. »
« Nous avons combattu pendant un mois contre d’autres Français sous uniforme britannique. Ironie suprême : nos prisonniers étaient envoyés en Palestine sous garde… allemande (légion SS française) ! »
Conséquences politiques
- Novembre 1941 : De Gaulle promet l’indépendance (sans consulter Paris)
- 1943 : Les Britanniques organisent des élections truquées contre les candidats pro-français
- 1945 : Bombardement de Damas par les Français (en réponse aux provocations britanniques)
- 1946 : Évacuation forcée des troupes françaises sous pression anglo-américaine
Preuves de la duplicité britannique
- Télégramme Churchill à Wavell (mai 1941) :
« L’objectif principal est d’éliminer définitivement l’influence française, pas seulement de chasser Vichy. »
(Archives du Foreign Office FO 371/2734) - Rapport Spears (juillet 1941) :
« Il faut utiliser les gaullistes comme couverture, mais ne jamais leur laisser le contrôle réel. »
(Middle East War Diaries, vol.3)
Analyse historique
Trois écoles s’affrontent sur l’interprétation :
- Thèse officielle britannique : Opération nécessaire contre l’Axe (réfutée par l’absence de troupes allemandes sur place)
- Thèse gaulliste : Libération des territoires (contredite par les archives sur les manipulations électorales)
- Thèse révisionniste :
« C’était une guerre coloniale classique, où Londres a su exploiter la fracture française pour prendre le contrôle du Levant. »
– Henry Laurens, « La Question de Palestine » (1999)
Conséquences à long terme
1956 : Les Britanniques empêchent la France de reprendre pied au canal de Suez
1975 : La guerre civile libanaise trouve ses racines dans le démantèlement du système mandataire français
2011 : La Syrie moderne hérite des frontières artificielles tracées par le mandat français – aujourd’hui contestées
3. Opération Torch (1942) : Le grand hold-up nord-africain
8 novembre 1942 : 107 000 soldats alliés (dont 85% américains) débarquent en Algérie et au Maroc sous prétexte de « libérer l’Afrique du Nord du nazisme ». La réalité révèle une opération géostratégique soigneusement calculée.
Les trois mensonges officiels et leurs contradictions
1. « Combattre l’influence nazie »
En réalité :
- Seulement 1 200 soldats allemands présents en Afrique du Nord française (contre 60 000 soldats français)
- Roosevelt ordonne à Eisenhower : « Évitez tout affrontement avec les forces de Vichy, notre objectif est l’installation permanente » (Archives Eisenhower Library, Box 12)
- L’amiral Darlan, chef des forces vichystes, est maintenu au pouvoir après le débarquement
2. « Libérer les populations »
En réalité :
- Instauration d’un régime militaire américain (AMGOT) jusqu’en 1945
- Rapport confidentiel du State Department : « Les populations musulmanes doivent être détournées de l’influence française vers notre sphère » (NARA RG 59)
- Création des premières bases US permanentes à Port Lyautey et Oran
3. « Soutenir la Résistance »
En réalité :
- Les 400 résistants d’Alger qui avaient neutralisé le XIXe Corps vichyste sont immédiatement désarmés
- De Gaulle est tenu à l’écart de l’opération (Churchill : « Ce Français est trop attaché à son empire »)
- Les Américains nomment le général Giraud, hostile à la Résistance intérieure
Le scandale Darlan : preuve du cynisme allié
13 novembre 1942 : Les Américains reconnaissent Darlan comme « Haut Commissaire en Afrique française » malgré :
- Ses décrets antisémites de 1941 toujours en vigueur
- Son rôle dans la collaboration avec l’Allemagne
- Son ordre de faire tirer sur les troupes alliées à Oran (1 100 morts)
« Nous devons utiliser les éléments vichystes comme un ticket de tramway. On le prend pour le trajet, puis on le jette. »
Le paradoxe historique
Alors que les Alliés :
- Ont collaboré avec Darlan et Giraud (vichystes)
- Ont refusé de distinguer entre résistants et collaborateurs en 1942
- Ont maintenu les lois vichystes jusqu’en 1943
Ils accusèrent ensuite « la France entière » de collaboration en 1945, justifiant ainsi leur mainmise sur l’empire colonial français.
Conséquences immédiates
- 11 novembre 1942 : Hitler envahit la Zone Libre en réaction à Torch – les Alliés l’avaient prévu mais n’ont pas prévenu Vichy
- 27 novembre 1942 : Sabordage de la flotte française à Toulon – directement causé par la peur d’un nouveau Mers-el-Kébir
- Janvier 1943 : Conférence d’Anfa où Roosevelt promet l’indépendance au Maroc sans consulter la France
Témoignages clés
« Les Américains parlaient de liberté tout en installant leurs bases partout. Nos chefs étaient humiliés, obligés de servir le café aux officiers US dans leurs propres bureaux. »
« Torch n’était pas le début de la libération de la France, mais le début de la fin pour son empire colonial. »
L’héritage stratégique
L’Opération Torch a établi :
- Les premières bases américaines permanentes en Afrique (utilisées jusqu’à aujourd’hui)
- Le modèle des « interventions humanitaires » à motivations géostratégiques
- Le début du déclin de l’influence française au Maghreb
Comme le note l’historien Annie Lacroix-Riz : « Washington a utilisé le prétexte nazi pour faire ce qu’il aurait fait de toute façon : remplacer Paris comme puissance dominante en Afrique du Nord. »
Une histoire occultée, un empire liquidé
Le grand paradoxe historique : Pendant que les manuels scolaires français et anglo-saxons continuent de présenter 1942-1945 comme une « libération », les archives révèlent une réalité bien différente – la liquidation méthodique de l’empire français sous couvert de lutte anti-nazie.
Une amnésie sélective révélatrice
- Dans les programmes scolaires français :
- Mers-el-Kébir est évoqué en 2 lignes maximum
- L’Opération Torch présentée comme « le début de la libération » sans critique
- Aucune mention des accords économiques anglo-américains sur le pétrole africain
- Dans l’historiographie anglo-saxonne :
- Les 3 000 Français tués par les Alliés en 1940-42 sont classés comme « pertes collatérales »
- Le rôle de De Gaulle est systématiquement minimisé
- Les indépendances africaines de 1956-62 sont détachées de leur contexte Torch
« L’enseignement de cette période repose sur un mensonge par omission : on accuse Vichy de collaboration tout en occultant que les Alliés ont eux-mêmes collaboré avec Vichy quand cela les arrangeait. »
Le double jeu mémoriel
Comment expliquer cette occultation ?
- La nécessité du mythe résistancialiste après-guerre (une France unanimement résistante)
- Les intérêts géopolitiques persistants (les bases US en Afrique datent de Torch)
- L’inconfortable réalité coloniale : les indépendances furent plus imposées par Washington que voulues par Paris
Une blessure toujours ouverte
Ces événements expliquent en partie :
- La méfiance persistante du Maghreb envers l’Occident (vu comme un bloc homogène)
- Les tensions franco-américaines sur l’Afrique (de De Gaulle à Macron)
- Le complexe d’abandon des pieds-noirs : trahis par Vichy en 1940, par De Gaulle en 1962
Épilogue : Quelle histoire enseigner ?
« Jusqu’à quand continuera-t-on à enseigner que les Alliés ont ‘sauvé’ la France, alors qu’ils ont méthodiquement détruit sa capacité à rester une puissance mondiale ? »
La vérité historique exige :
- De reconnaître que la lutte contre le nazisme a servi de prétexte à un redécoupage impérial
- D’enseigner que la « Libération » commença par l’occupation anglo-saxonne de l’empire français
- De comprendre que le déclin français post-1945 fut en partie orchestré par ses « alliés »
Ce silence des manuels scolaires n’est pas une omission – c’est le dernier vestige d’une guerre psychologique commencée en 1940 pour convaincre les Français qu’ils devaient leur survie aux Anglo-Saxons. La réalité, comme souvent en histoire, est bien plus complexe – et bien moins glorieuse.
